Portrait d'artiste : Yanne Kintgen
Il y a quinze ans, nous avons fait la rencontre de Yanne Kintgen, une artiste à l'univers décalé qui n'a de cesse de remettre en question son art et de renouveller sa perspective. En résulte un corpus d'œuvres éclectiques dans la forme, cumulant les médiums entre sculpture, broderie, photographie, peinture et même vidéo. Cependant, ses inspirations suivent un fil cohérent, puisque Yanne explore des thèmes qui se recoupent et se rejoignent : la solitude et l'interdépendance de nos âmes. En multipliant les techniques, celle-ci s'affranchit de la routine et retourne même aux Beaux-Arts il y a quelques années pour puiser toujours plus d'inspiration auprès de ses pairs et de la nouvelle génération d'artistes.
Yanne s'inspire beaucoup de l'écrivain Fernando Pessoa, qui dit que tout coexiste. Par l’interdépendance de tout, chacun est seul et existentiellement lié aux autres. Cela est pour elle d’une lucidité intense et d’une grande justesse. Son inspiration vient également du film d’Alain Resnais « Mon oncle d’Amérique ». Enfin, elle a par ailleurs découvert le travail d’artistes vidéastes comme Peter Campus, Pierrick Sorin, Tony Oursler ainsi que Philippe Ramette. « Dans un premier temps, j'ai effectué un travail de vidéo afin de représenter les différents degrés de l'homme « intranquille ». Inspirées des dioramas, j'ai par la suite créé ce que j'appelle des sculptures vidéo. Dans ces espaces kaléïdoscopiques, une confrontation se fait entre l'homme et son double, ou autre subterfuge. Les installations renforcent cette idée de distance et d’enfermement. En parallèle, je poursuis une série de photos, qui s'intitule « Le temps suspendu ». Cette approche est performative et très contextuelle. Corps en arrêt, isolé, ce personnage en suspens est comme une anomalie. Mis à distance dans des contextes différents telle une étrangeté, il ne perçoit qu'un écho de sa présence au monde. Ce n'est pas une lutte pour s'affranchir de la temporalité, mais pour s'y inscrire. »
Ainsi, son travail se nourrit de cette acuité douloureuse et de cette incapacité à s’amarrer au réel, à soi, et au monde. Son personnage est en quelque sorte dans sa chrysalide. « Je voudrais célébrer l’éloge de la plasticité, c’est-à-dire la vie, et non le contraire, la rigidité, c’est-à-dire la mort. En effet, Nietzche en parlant de la « force plastique » et du « faire soi », propose d’assimiler le passé, guérir de ses blessures, et affronter l'incertain par le pouvoir de la métamorphose. À travers celui-ci, tout est possible. Partant du constat que rien n’est permanent et que tout se transforme, il est préférable de miser sur notre potentiel de changement. L’inquiétude ne permet pas de stationner dans de fausses certitudes.»
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